Back to top

La maladie est-elle le substrat de tout génie musical ? On pourrait le croire en témoignant du parcours des grands compositeurs classiques, dont la vie, génératrice d’oeuvres immortelles, n’a été souvent que souffrance et solitude.

Quelques exemples :

Franz Schubert vécut 31 ans. L’un des compositeurs les plus créatifs contracta la syphilis à 24 ans, qu’il avait attrapée lorsqu’il fut envoyé comme précepteur musical de jeunes comtesses viennoises. Affaibli par un mal chronique, il s’éteint à l’âge de 31 ans.
34 ans, c’est la durée de la vie de Robert Schumann. Atteint à 20 ans d’une maladie rare : la dystonie focale qui se manifeste par des mouvements involontaires, une contraction prolongée générant une posture inadaptée avec perte de la dextérité manuelle, il est frappé d’un état dépressif qui ne cesse de s’amplifier : il se jette dans le Rhin et échappe de peu à la mort. Interné dans un asile psychiatrique, il décède quelques mois plus tard.
Frédéric Chopin vécut également moins de 40 ans. À 25 ans, une tuberculose est diagnostiquée. Avec George Sand, il part se faire soigner à Majorque. Mais l’aggravation de son affection l’incite à rentrer à Paris où son état s’empire. Il fait d’énormes efforts pour assurer ses concerts, mais s’éteint à son domicile place Vendôme à Paris. Lors de ses obsèques à l‘église de la Madeleine, les grands orgues jouèrent l’intégralité du Requiem de Mozart : c’étaient ses dernières volontés. Son coeur, suivant son désir également, a été prélevé et conservé, en très bon état, dans une urne de cristal remplie d’alcool, scellée à l’intérieur de l‘église de la Sainte Croix à Varsovie. Son corps est au Père Lachaise.

Wolfgang Amadeus Mozart, justement, on connaît la précocité de son génie et l’universalité de son oeuvre. Les soucis financiers qui l’assaillent, le demi-succès de ses derniers concerts ont raison de sa santé fragile. Souffrant d’un délire de persécution, hanté par la présence de la mort, et très seul, il est jeté dans une fosse commune à 35 ans.

Piotr Ilitch Tchaïkovski était homosexuel. Etat mal vu dans la société bourgeoise de l’époque. Pour se « guérir », il épouse une de ses anciennes élèves, mais rapidement, il ne peut plus supporter la présence de sa femme et cette union se scelle par un échec. Il tente de se suicider, mais rate son coup. La découverte de sa liaison avec le neveu mineur d’un noble russe le pousse à un nouveau suicide suggéré par un tribunal d’honneur constitué d’anciens étudiants du Collège impérial de la jurisprudence de Saint-Pétersbourg. Il est inhumé à 53 ans au monastère Alexandre Nevski.

Plus près de nous, Georges Bizet a vécu 37 ans. Fils d’un chanteur et d’une pianiste, l’opéra et la musique marqua d’emblée leur empreinte dans son destin. Sa disparition fut tragique : la création de Carmen est très mal perçue par le public et la critique. Fortement contrarié, le lendemain, il décide de se réfugier seul dans sa maison de Bougival. Il a l’idée saugrenue de se baigner dans l’eau glacée de la Seine. Il contracte une angine qui se transforme en rhumatisme articulaire. Usé physiquement et moralement, fatigué, son coeur lâche quelques jours plus tard.

Claude Debussy souffrait de ce qu’on appelle aujourd’hui un cancer du pancréas, détecté alors qu’il avait 47 ans. Il ne sortait alors que très rarement et restait cloîtré chez lui. Dans des lettres à des amis, il fait le récit de l’épreuve physique qu’il endurait et sa détermination à dominer le mal. Son martyre dura huit ans !
Maurice Ravel eut, lui aussi, une fin tragique. Un traumatisme crânien provoqué par un accident de taxi, induit chez lui une maladie neurologique avec troubles de l’écriture, du langage et de la motricité (d’où son concerto pour la main gauche, la seule valide). Il entreprend plusieurs voyages à l’étranger pour retrouver un confort salutaire, mais revenu chez lui à Montfort l’Amaury, il subit, malgré ses réticences, une intervention chirurgicale, une atteinte tumorale ayant été détectée. Plongé dans le coma, il s’éteint à 62 ans.
Tous les malheurs se sont abattus sur Bedrich Smetana : il devient sourd à la suite d’une infection virale, perd trois de ses quatre filles, puis son épouse, atteintes de tuberculose. Il ne supporte pas cette succession d’accidents et doit être interné dans un asile psychiatrique à Prague.

La liste est longue, d’autres grands compositeurs de génie dont la vie fut brève :
Giovanni Pergolèse, l’initiateur de l’opéra bouffe, est atteint de tuberculose à 20 ans, se retire au couvent des Capucins près de Naples où il va composer l’essentiel de son oeuvre et où il décède à l’âge de 26 ans, George Gershwin, mort à 37 ans d’une tumeur au cerveau au Cedar of Lebanon Hospital de Los Angeles où il était soigné pour des troubles hallucinatoires, Modeste Moussorgski, à 42 ans après être tombé dans l’alcoolisme, conclut sa vie, solitaire et abandonné, à l’hôpital militaire de Saint-Pétersbourg,
Isaac Albéniz, décède à 48 ans, suite à une insuffisance rénale terminale. Quoique ayant vécu un peu plus longtemps, d’autres eurent une fin tragique : avant la fin de leur vie, Haendel et Brahms devinrent aveugles, Beethoven sourd.

Destins tragiques -Génies contrariés !!

Roland MEHL

Article extrait du Mag n°112 - janvier 2022 de l'ANPR.

notes de musique
Retour