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De la préparation magistrale à la cuisine il n’y a qu’un pas ou quand les bonnes pratiques de préparation s’invitent en cuisine…

Vous avez peut-être comme moi l’impression d’être au préparatoire quand vous êtes dans votre cuisine et c’est normal, car il y a autant d’amour à préparer des bons petits plats que de rigueur et précision à faire une préparation magistrale.
En effet, si l’on compare le « batch-cooking » et la fabrication en série, les deux sont exécutés extemporanément pour une ou plusieurs personnes données.
Le préparatoire et la cuisine ont beaucoup de points communs :
• Le plan de travail est propre, lisse, non poreux et vous y trouvez une balance : non, plus une une balance Roberval ni un trébuchet, mais une balance électronique.
• Les cuillères en bois cohabitent avec des spatules droites ou coudées, en silicone ou en métal.
• Le mortier et son pilon font partie de l’arsenal culinaire incontournable pour broyer les épices et les condiments.
• Les matières premières sont étiquetées avec une date de péremption appelée DLU. Avec le vrac disponible aujourd’hui, les contenants sont à la mode.
La façon dont on s’organise pour faire une recette de cuisine de façon magistrale, est l’occasion de découvrir qu’il y a bien un mode opératoire à respecter, faute de quoi la recette sera ratée…
Mise en oeuvre des ingrédients : avant de commencer une recette, il faut bien vérifier que tous les ingrédients sont présents, à défaut, le produit final ne sera pas conforme à la formule et au risque de s’apercevoir à la dégustation qu’il manque ce petit quelque chose qui aurait « mis des étoiles » à votre plat.
Les pesées : au « pifomètre » du cuisinier sorcier, on préfère de vraies pesées avec une balance, sans oublier bien sûr qu’une cc (cuillère à café) c’est 5 ml ou 5 g et qu’une cs (cuillère à soupe), c’est 15 g ou 15 ml. Les plus audacieux sauront passer du verre ordinaire de 150 ml au verre à liqueur en cl.
Le mode opératoire est aussi important en préparation magistrale qu’en cuisine. Imaginez simplement l’exemple de la pâte à crêpes : mélangez farine + sucre + les oeufs un à un, puis le lait ; essayez de faire la recette à l’envers en mettant le lait dans la farine… Non, n’essayez pas, grumeaux assurés !
Faire un julep gommeux au carbonate de calcium : si on ne triture pas au pilon les deux poudres (gomme arabique + carbonate Ca) avant d’ajouter l’eau, la préparation ne sera pas homogène.

Parlons un peu du matériel :
Aujourd’hui la spatule, pour récupérer l’appareil, s’est modernisée et l’utilisation du silicone a grandement facilité le travail des cuisinières : quelle fierté nous avons de laisser un saladier nickel une fois que la pâte à gâteau est versée dans le moule ! Et c’est normal : auriez-vous laissé la moitié de votre pommade au fond du mortier ? Ça c’était pour la nostalgie de la « carte manquée » !
Le mortier et le pilon font désormais partie intégrante de l’arsenal culinaire puisque bon nombre de recettes nécessitent leur utilisation. Le meilleur exemple est la réalisation du pesto, voici les raisons : les ingrédients se trouvent écrasés et non hachés afin de faire toute la différence pour révéler les arômes.
À l’inverse, pour remplir un tube à pommade, est-ce qu’une poche à douille n’aurait pas pu faire l’affaire plutôt que la feuille de papier roulée qui risquait de se déchirer à l’intérieur du tube ! Oui, mais non, car il y a un volume mort dans la douille !
Encore quelques illustrations plus légères :
Une mayonnaise est une émulsion (huile + jaune d’oeuf) et le liniment oléocalcaire ? une émulsion également (huile d’olive + eau de chaux) alors quelle différence ? Le goût bien sûr et l’indication !
Beurre de cacao et chocolat blanc : la fabrication des suppositoires au beurre de cacao a laissé chez certains un « goût amer », encore que l’idée de gouter les suppositoires n’est pas commune (ne riez pas, c’est déjà arrivé et ce n’est pas si facile d’avaler un suppo !) Car, après avoir trop chauffé, le beurre de cacao est entré en surfusion et ne s’est plus jamais solidifié, donc les suppositoires sont restés liquides ! C’est la raison pour laquelle je ne mange jamais de chocolat blanc, ayant toujours l’impression que l’on me donne des suppositoires à croquer !
Il y a encore un piège lié à la température et que tout le monde connaît bien, c’est l’apparition des grumeaux dans la crème anglaise quand celle-ci commence à bouillir.
Et quand le vocabulaire s’en mêle, les explications deviennent superflues : je veux parler du beurre pommade expression consacrée pour désigner un beurre ayant la consistance d’une pommade.
On parle bien de préparation culinaire et ne dit-on pas que l’on prépare à manger ?
Le grimoire de la cuisinière, notant les recettes préparées intentionnellement pour une personne, afin de ne pas lui faire déguster une deuxième fois le même plat, équivaut à 1 ordonnancier personnel.
Pour conclure : tout pharmacien est un chef étoilé qui s’ignore, alors, « À vos pesées, prêts, cuisinez ! »


Martine CHAUVÉ, secrétaire ANPR

Article extrait du Mag n°112 - janvier 2022 de l'ANPR.

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