Colette Durand-Beyron est fille de chapelier. Durant son enfance, son père est employé par la célèbre entreprise Fléchet qui se spécialise alors dans la fabrication des chapeaux de feutre de poils de lapins. L'usine Blanchard, où il travaille, construite en 1902 par l'architecte lyonnais Eugène Baure et agrandie en 1927, se situe à Chazellessur-Lyon, dans la Loire. Cette petite ville des Monts du Lyonnais a connu la prospérité au début du XXe siècle grâce à l’industrie de chapellerie de feutre de poils de lapins. À son apogée, dans les années trente, l'usine emploie trois cents salariés. C'est dans cette impressionnante bâtisse aux murs en pierre de taille que Colette passe une grande partie de son temps après la sortie des classes. Comme elle nous le conte ellemême, la vie à l'usine n'est pas des plus agréables. Le travail y est répétitif et peu stimulant.
Le bruit des machines est incessant et la chaleur étouffante. À cette époque déjà, la Maison Fléchet est en déclin. L’évolution de la mode d’après-guerre porte un coup fatal à l’industrie du chapeau de feutre et l'usine ferme définitivement ses portes en 1976. Colette, qui n'a pas suivi les traces de son père dans le monde de la chapellerie, est à ce moment-là diplômée de la faculté de pharmacie de Lyon. Après ses études, elle s'installe un an à Chazelles-sur-Lyon pour remplacer le pharmacien du village, puis retourne à Lyon où son mari termine ses études. Elle y prend un poste d'attachée au laboratoire d’urologie et de bactériologie. Elle s’occupe également des travaux pratiques de bactériologie des étudiants en médecine. Colette accepte ensuite un poste à l’Institut Mérieux où elle avait effectué son stage de fin d'études, et en 1975, elle devient cheffe de service des contrôles immunologiques et bactériologiques de la production. En se remémorant ce début de carrière à Lyon, Colette le décrit comme de belles années mais très denses. Après la naissance de son premier fils, elle décide de quitter son poste et quelques années plus tard, après à la naissance du deuxième, la famille revient vivre à Chazelles-sur-Lyon. Colette y effectue dans un premier temps des remplacements puis un temps partiel dans une pharmacie de Saint Galmier.
Après la naissance de son troisième fils, en 1988, elle reprend cette même pharmacie et y exerce seule pendant dix-huit ans. En 2005, elle s'associe à sa jeune assistante nouvellement recrutée et la pharmacie est transférée dans un nouveau quartier. C'est là, que naît la Pharmacie des Sources, une belle réussite tant sur le plan professionnel qu’humain comme nous l'explique notre interlocutrice. En 2012, elle cède ses parts à son associée et à un jeune pharmacien, elle quitte définitivement le monde de l’officine. Bien que sa carrière professionnelle ait suivi une trajectoire très éloignée de celle de son père, Colette a toujours maintenu un lien fort avec le monde de la chapellerie, notamment à travers son implication au sein de l’Atelier-Musée du Chapeau. Sept ans après la fermeture de l'usine Blanchard, les murs de la bâtisse voient naître un musée destiné à la conservation de la mémoire chapelière et à la sauvegarde active des savoir-faire.
Colette y adhère dans les années 90, et devient par la suite membre du conseil d’administration. Elle entre au bureau de l’association en 2019 et en est aujourd'hui co-présidente aux côtés de Monica Costa. L'Atelier-Musée du Chapeau, labellisé « Musée de France », constitue aujourd'hui un pôle culturel, économique et touristique important pour la région. Ses collections comptent environ 4000 pièces divisées en plusieurs catégories :
- les collections techniques qui offrent un regard large sur l’ensemble de l’activité de production du chapeau de feutre artisanal et industriel.
- les collections de mode qui regroupent des pièces de la production locale couvrant la période 1920-1975.
Au-delà de ses activités d’exposition, de conservation et de médiation, l’Atelier-Musée cherche également à s’inscrire dans une démarche de conservation active en participant à la transmission des savoir-faire de la mode et de la chapellerie. Il abrite en effet un atelier de production, où Isabelle Grange exerce depuis 2015 le métier de styliste-modiste, et un centre de formation proposant des stages perpétuant les gestes des modistes et des chapeliers. Financé à 50 % par des collectivités locales et autofinancé à 50 % par l’Atelier-Musée du Chapeau, c’est un musée associatif qui s'appuie sur la participation et le soutien vital du Club des Entreprises Mécènes de l’Atelier-Musée du Chapeau.
Juste avant de conclure notre interview, nous demandons à Colette ses vœux pour la suite, autant d'un point de vue personnel qu’en ce qui concerne le musée. Elle souhaite avant tout qu'il y ai une pérennité de l'Atelier-Musée du Chapeau et qu'il soit soutenu activement. Elle ajoute également qu'elle ne serait pas contre l'idée de prendre un peu de temps pour se reposer ! L’équipe de l’ANPR souhaite que ses deux vœux se réalisent et vous invite bien entendu à visiter l’Atelier-Musée du Chapeau à Chazelles-sur-Lyon. Jusqu'au 3 Novembre 2024, vous aurez le plaisir d'y découvrir la nouvelle exposition temporaire : « Pierre Cardin & Paco Rabanne, couturiers de l’audace », un voyage de 30 ans pour découvrir les chapeaux de ces deux couturiers révolutionnaires.
Contact : contact@museeduchapeau.com